Bonjour. Questions intéressantes qui méritent développement. Je propose un exercice théorique réservé aux riches: Je vole à 6600 pieds sol (en moyenne), soit 2000 m de hauteur. J'ai un avion de tourisme classique, sans trappe, sans plate-forme gyrostabilisée, sans système inertiel (IMU) et sans GPS différentiel couplé sur un plan de vol pré-déterminé. J'ai de la chance, j'ai un copain pour tenir le manche, le cap (avec correction de dérive, ou disons, plus simple, c'est un jour où non seulement il fait beau, mais disons qu'il n'y a pas de composante traversière du vent). Cap que j'ai calculé avant pour optimiser le ratissage de ma zone. Le copain sait aussi tenir son altitude, mais il est un peu débutant, il oscille à 100 pieds près (soit 30 mètres) et le sol aussi varie (on est dans les contreforts du Massif Central, genre dans la Loire, disons le Forez, avec des hauteurs qui varient de plus ou moins 300 m). Pour simplifier, non seulement il fait beau et il n'y a pas du tout de vent de travers, mais en plus, fait rare, il n'y a pas non plus de thermiques, alors que pourtant on est en mai. J'ai un EOS 1D, de la super cam, et l'objo qui va avec, disons un télé 200 mm à ouverture constante f/3,5, du très haut de gamme quoi. Ca m'a coûté plus cher que le brevet pilote. Maintenant, calculons: Quelle sera la résolution moyenne, si je prends une photo bien verticale? Si la photo est totalement verticale, et qu'il y a exactement 2000 m, et que le EOS 1D est bien un capteur 24x36 mm (ce dont je doute) et qu'il fait 24 Mpixels (je simplifie), on se retrouve grosso modo avec 36mm/6000=6 microns par capteur CCD. D'où une résolution égale à 6 microns x 2000 m (hauteur moyenne) / 200 mm (focale) = 6 cm (pas mal !) Par ailleurs, le temps de pause est non négligeable. L'avion est au second régime, pour limiter ce problème, mais tout de même, ça nous fait du 85 kts, soit 150 km/h environ, ou encore . Il y a beaucoup de lumière, et mon ouverture est excellente (j'ai de la bonne cam, j'ai dit !), disons f/3,5. En gros, je peux espérer travailler au 1/500 si je veux un grain pas trop élevé (important). En 1/500 de seconde, l'avion aura avancé de 8 cm, soit plus que la résolution théorique, créant un flou omnidirectionnel malheureux. Et je n'ai évidement pas l'option FMC (forward motion compensation), réservée aux professionnels du hard. Mais l'avion oscille selon les trois axes de rotation. Au moment où je déclenche, mon copain a de la chance (ou il est bon, ou plus probablement les deux), et il arrive à maintenir grosso modo sa trajectoire. Il n'oscille que de 6°/minute selon le roulis, 0 selon le tangage et 6°/minute selon le lacet. Et moi, j'ai pris une photo en bougeant un peu, et comme je n'ai pas couplé mon appareil à une centrale inertielle, je ne sais pas si je suis bien vertical ou pas. Il y a une incertitude "certaine" d'au moins 15° dans le plan de la trajectoire et la même dans le plan perpendiculaire. De plus, comme je bouge, on rajoute 30° par minute selon ces deux mêmes plans. Au final, potentiellement, le flou du au fait que l'avion avance pendant que la photo se prend peut ne pas être omnidirectionnel mais finalement unidirectionnel. Globalement, la résolution nette s'"effondre" à 2 fois la résolution native, soit 12 cm, ce qui est encore très bien. Ajoutons le fait que mon optique, même très bonne, n'est pas celle d'une vraie caméra numérique dédiée à la prise de vue (effets de gauss sur les bords des lentilles) et qu'il y a un peu d'eau dans les 2000 mètres qui me séparent du sol, ce qui tend à courber un peu les rayons, et la résolution arrive à 15 cm. C'est encore très bien. Comme le sol et l'avion oscillent, la résolution varie de plus ou moins 30% facilement, donc entre 10 et 20 cm pour simplifier. Ca reste très bien. Ca, c'était pour la résolution. Maintenant, la précision géométrique. Là, patatras. Rien ne va plus. Je ne sais pas où je suis précisément (XY et Z), ni comment je suis (lambda, phi khappa, les trois angles de rotations, qu'on appelle l'attitude). Et l'incertitude est vraiment importante: je proposais tout à l'heure réalistement 15° d'incertitude. A 2000 m de hauteur, ça fait un balayage de 2000xsin15 = 500 m par direction autour du point situé réellement sous la carlingue du zinc (le nadir). De plus, ce nadir est lui-même imprécis, mon GPS embarqué, qui n'est pas différentiel, me donne grosso modo une position à 10 m près en XY et à 50 m en Z (l'altimètre est plus précis et me ramène cette valeur à plus ou moins 20 pieds, soit 6 mètres, rendant cette incertitude négligeable pour le reste des calculs). Il faut donc recaler l'image avec des points connus. Sur ma belle photo, je repère quatre points au sol que je pourrai aller relever plus tard avec un GPS (si possible différentiel): il y a un angle de lignes blanches d'un cours de tennis (l'occasion d'une petite partie), le bout d'un zebra sur une route, le centre d'une plaque d'égout, le centre d'un rond cramé dans l'herbe d'un jardin public (je me souviens encore du barbeuk qu'on s'est fait samedi dernier). J'atterris, je range l'avion, je décharge mes photos et je pars avec un GPS relever ces 4 points (en vélo, parce que l'avion m'a cramé mon crédit carbone de la semaine). Je trouve mes 4 valeurs. Cool. Je vais pouvoir recaler l'image. Déjà, pas d'aérotriangulation, j'ai relevé mes points et l'aérotriangulation, c'est pour les adultes consentants. Je m'y mets, avec des logiciels terribles que même à l'école on ne les apprend pas (normal, trop chers). Par chance, je les maîtrise, un autre copain m'a montré et me les a copiés sur un CD vierge à la sauvette. Je ne le dis à personne. Je lance le calcul. Ca ne colle pas. L'image veut bien se géoréférencer avec 3 points, mais pas 4. Quelle que soit la combinaison, le 4ème point a un écart avec son pixel correspondant de plusieurs dizaines de mètres. Mince alors. D'où ça vient? Le relief, bien sûr!!! J'ai besoin d'un MNT (modèle numérique de terrain) pour orthorectifier l'image, sinon, tout est vu en biais sauf le milieu exact de la photo (à condition qu'elle fut véritablement verticale), et donc ça ne va pas. Je dois connaître la hauteur de tous les points du terrain pris en photo. Ou au moins l'approcher du mieux possible. Alors, comment faire ? Soit je prends des données libres (genre SRTM de la Nasa, au pas de 90 m et à la précision en Z de plusieurs mètres). J'essaye. Bof, pas terrible. J'ai encore des résidus inacceptables après déformation de l'image. Soit je pirate des données plus précises et plus fines, genre BD Alti, ou pire. Mais là, je m'expose à une affreuse pendaison inversée jusqu'à ce que mort s'ensuive. Soit je retourne sur le terrain avec mes outils de topographe amateur et je relève toute la zone. Ou je paye une entreprise pour le faire et ensuite je serai propriétaire de ces données et je pourrai en faire ce que bon m'en semblera. Soit j'achète des données en bonne et due forme, avec tout ce qui va bien en terme de licence d'utilisation pour après (genre CC-by-SA ou autre). Il y a plein de fournisseurs, mais je doute qu'on puisse aller si loin ensuite avec leurs données. Soit J'utilise encore des logiciels X pour adultes courageux, et je lance de la corrélation automatique. Que je peaufine ensuite à la main, comme un Roumain ou un Indien ferait au quotidien. J'ajoute des points, je contrôle visuellement les résultats de la corrélation, j'ajoute des lignes de rupture pour que mon MNT soit moins molasson, etc... Lorsque j'ai fait une de ces acrobaties, je peux orthorectifier. Logiciels pour adultes, encore une fois. Ames sensibles, s'abstenir. Ca y est, l'image est pas mal. Restent à régler les contrastes, à compresser, et éventuellement à changer de système de référence parce que je veux les mettre dans un dispositif mondial qui travaille en lat/long (du style WGS84). Là encore, il faut des logiciels muy especiales. Grass, logiciel libre, saurait faire tout cela, mais je reste prudent, je n'ai pas testé, je ne peux pas dire. Je sais juste que c'est plus facile d'apprendre à piloter un Cessna 172 (euh, précision, il faut nécessairement un avion à ailes hautes) et à faire des photos en même temps tout en tenant son cap et son altitude au gramme près que d'apprendre à piloter Grass. Mais si au final, j'ai réussi à recaler mon image correctement avec des données de relief qui tiennent la route, j'aurai une image précise à quelques mètres près, ce qui est très bien pour un process amateur et homogène en terme de précision planimétrique avec les données OSM. La surface couverte sera d'environ 6000x4000 pixels² x 6 x 6 cm² (résolution brute) = 360 mètres x 240 mètres = 9 hectares grosso modo. On peut s'amuser à calculer combien de gramme de CO2 ont été émis par m² de terrain couvert, mais bon, il est tard déjà... Disons que la version paramoteur ou parapente est sans doute plus stable, et moins émissive, nettement moins. Mais il faut attendre Godot que les conditions soient réunis, notamment celle-ci: surtout pas de thermiques et surtout des thermiques. Voilà, bon courage et bravo à ceux qui arrivent à vaincre tous ces obstacles. Et il y en a !!! Mais ce n'est pas utopique, il faut juste les bons outils et les bonnes compétences (et l'argent et le temps pour faire tout cela à l'oeil !). Variante pour faciliter la prise de vue verticale: à bord d'un Stamp (biplan sans verrière sale), en vol dos, en ayant pris bien soin d'accrocher le EOS1D à une sangle solide... (ainsi que sa propre sangle abdominale...)
Merci pour ces questions, je me suis divertis. Je me voyais presque déjà dans un Cessna entrain de tenter une prise de vue verticale au-dessus de Lyon avec mon pauvre Nikon+Sigma 18-200 (parenthèse: survol de Lyon interdit, mais les problèmes d'autorisation de vol, si on commence à s'en préoccuper, notamment pour faire des travaux photographiques, là, on arrête tout). OSM42 a écrit : > Bonjour, > > J'ai une question un peu bête pour les nombreux géomaticiens qu'il y a > sur cette liste :) > > Imaginons (je dis bien imaginons, je n'ai pas encore gagné au loto) que > j'ai un petit avion de tourisme. Est-ce qu'il est *relativement* simple > de faire de la photo aérienne exploitable pour OSM ? > > Intuitivement, je dirai qu'il faut être suffisamment en altitude pour > que le relief moyen (massif central, pas les alpes quoi) ne "déforme pas > trop" les images mais suffisamment bas pour que la résolution de > l'appareil photo soit suffisante. Est-ce à peu près bon déjà sur ce > point ? > > En considérant qu'on ait ainsi défini une altitude correcte, considérons > 1 cliché pris. Je suppose qu'il faut faire un géo-référencement style > image raster du cadastre non ? (par exemple les coordonnées de carrefour > ou autre le plus proche des coins). Faut-il ensuite déformer l'image ou > la déformation est négligeable sur une surface de cette ordre ? > > Quelle serait à la louche la surface couverte par cliché avec du matos > amateur (avion de tourisme, canon EOS, le bras dehors pour prendre la > photo :D) > > Bref de manière générale est-ce grosso modo envisageable ou c'est > utopique (plus encore que de cartographier le monde ? :D) > > a+ > > OSM42 > > > _______________________________________________ > Talk-fr mailing list > Talk-fr@openstreetmap.org > http://lists.openstreetmap.org/listinfo/talk-fr > > -- Serge Mang 06 81 52 62 87 GAIAGO Conseil et Assistance pour le pilotage de votre Système d'Information Géographique Espace Carco 24, rue Robert Desnos 69120 VAULX-EN-VELIN Tél. 04 37 45 29 93 - Fax 04 37 45 29 81 www.gaiago.fr www.leshallesgeomatiques.com _______________________________________________ Talk-fr mailing list Talk-fr@openstreetmap.org http://lists.openstreetmap.org/listinfo/talk-fr