Le problème ici, retenu par le tribunal, c'est la gratuité, pas le fait que ce soit libre ou non. Et c'est bien le problème.
D'abord parce que la cartographie Google n'est pas si libre que ça, et pas gratuit non plus puisqu'il est le support véhicule de publicités dans des espaces bel et bien payants. Mais aussi parce que la décision du tribunal, en retenant la gratuité, concernerait alors aussi Bing (dans le même domaine que Google), mais aussi pourrait empêcher OSM de fournir gratuitement aussi sa cartographie. Où est le problème ? D'abord pas dans les données de cartographie publiques qui sont libérées pour tout le monde (que ce soit pour Google, Bing, Pages Jaunes, Mappy, mais aussi OpenStreetMap et pour le plaignant, ici le Bottin). C'est pas clair. Ce qui semble mis en cause c'est plutôt la fourniture gratuite d'informations à valeur ajoutée de nature commerciale, c'est à dire les espaces publicitaires de Google, vendus par Google comme aussi par le Bottin (mais pas par OSM), pour le géoréférencement localisé des sociétés, produits et services. Le Bottin vendait son annuaire, mais après tout pourquoi n'a-t-il pas attaqué les Pages Jaunes ? Il y a aussi la concurrence maintenant grace à l'annuaire universel. Reste à savoir lequel met en valeur sa cartographie et les espaces publicitaires pour les intégrer à d'autres services: Le Bottin a largement échoué et pris un retard considérable, alors qu'OSM dispose d'espaces de promotion dans le domaine du libre, sans exclure l'utilisation commerciale. Il n'y a pas de distortion commerciale, la concurrence reste assurée. Franchement, je ne comprend pas la décision prise en faveur de Bottin contre Google, puisque pour motiver l'avis de pratique anticoncurentielle, c'est le pire argument qui est retenu: la gratuité des contenus accessibles au public. Ça remet en cause plein de médias existants, souvent anciens dont bon nombre ont utilisé la gratuité d'une partie de leur service comme véhicule d'autres offres). Que peut-on reprocher à Google ? Pas cette gratuité du service offert au public, ou l'absence de souscription pour les consulter. Le problème est ailleurs et tient plus à la situation dominante de Google, qui pourtant est largement liée à la qualité (objectivement effective) de consultation de ce service gratuit, facile à utiliser et intégrer à d'autres sites, et à ses nombreuses API de personnalisation permettant à n'importe qui de superposer d'autres données géolocalisées à la cartographie existante fournie par Google. Où est alors le problème ? Cela vient peut-être du fait que Google réutilise les informations ajoutées par les tiers comme source d'information, en imposant des conditions d'utilisation qui fait que Google devient un agrégateur obligatoire de trop d'informations qu'il ne devrait pas collecter sans autorisation, ni même aucune possibilité d'en fixer le prix afin que Google puisse les réutiliser. Google n'a plus besoin de faire des enquêtes, il a la force pour lui de son moteur de recherche qui indexe tout, et en fait même ne permet pas à quiconque de limiter ce qu'il a le droit d'indexer ou non dans les couches ajoutées au dessus de la carto Google avec son API. Le problème de gratuité se situe à ce niveau : Google ne paye pas pour acquérir des infos propriétaires qu'il intègre à ses contenus en lui ajoutant son copyright et en imposant des restrictions d'utilisation de son moteur de recherche. Le second problème vient de la procédure "opt-out" systématique : par défaut on autorise tout dès qu'on accède ou utilise les services Google, jusqu'à ce qu'on vienne supprimer les autorisations de ce que Google ne devrait pas utiliser. En utilisant l'opt-out, la base de données Google met un temps énorme à purger les infos déjà collectées. Il garde sans arrêt une longueur d'avance systématique. Google n'est pas le seul puisque c'est pareil pour Bing, Yahoo, et en fait même tous les portails de commerce multiservices de l'Internet (eBay, Amazon, Cdiscount, Top-Achat, etc...) et même maintenant aussi les grands réseaux sociaux (Facebook, Twitter...) et les "App-stores" des différents OS mobiles. Et dans tous les cas, la bataille se joue entre ceux qui veulent parvenir à collecter le plus de données utiles, afin de les transformer en espaces de visibilité pour la publicité, car tous ces services sont faits pour ça : vendre leurs espaces publicitaires. C'est une bataille de géants entre grandes régies publicitaires, et il faut reconnaitre que le Bottin ne fait plus le poids, car il a raté bien des opportunités et pas su développer des applis innovantes ni assez de partenariats de contenus. C'est de sa faute, il se rend compte de son retard (plusieurs années, voire décennies) et vient essayer de monnayer ce retard devant un tribunal. Un retard pourtant entièrement imputable à la gestion de ce groupe qui n'a fait aucune investissement en R&D et en accords commerciaux pour vivre de ses acquis, jusqu'à ce qu'il se retrouve en difficulté (pour vendre ses espaces publicitaires). Mais concernant les données libres (accessibles à tout le monde), faire un procès parce que Google les redistribue gratuitement, c'est franchement abusif. J'espère bien qu'ici Google fera appel (et sera soutenu aussi par toutes les autres sociétés et même les assos et fondations qui promeuvent le contenu libre) pour que cela ne se transforme pas en jurisprudence qui imposerait que le contenu libre soit payant pour tous ses distributeurs (ce qui voudrait dire que seule l'utilisation personnelle resterait gratuite et libre avec les licences proposées, mais impossible de redistribuer sans paiement. Cela invaliderait en France bon nombre de licences libres (toutes celles dépourvues de la clause "NC", non commercial, donc aussi CC-BY-SA, GPL, LGPL, BSD... et la nouvelle licence d'OSM concernant sa base de données), en n'autorisant plus en France QUE des licences comme CC-BY-NC (qui selon l'OSF ne sont pas reconnues comme libres). Car la décision du tribunal viendrait alors imposer que n'importe quel contenu DOIT avoir une valeur comptable et marchande (et aussi sujette aux taxes et charges sociales, en plus des lois de responsabilité du vendeur qui s'appliquent déjà en partie au libre...), faute de quoi il ne peut pas être objet de propriété (fut-elle uniquement intellectuelle, et exclusive ou non-exclusive). Mettons ensuite le droit des brevets en face (qui a aujourd'hui condamné définitivement l'existence du domaine public, et aussi largement entamé l'exercice de la concurrence dans le domaine commercial, où ces brevets prennent des positions largement abusives et faisant de leurs détenteurs des profiteurs réellement parasites), on voit bien que tout le monde du libre est menacé. Le tribunal à mon avis a très mal motivé son avis, qui sera sans doute cassé en appel. Le 1 février 2012 15:32, Pieren <pier...@gmail.com> a écrit : > Le tribunal de commerce de Paris estimant que Google Maps fausse la > concurrence en fournissant son service gratuitement, a condamné la > société Google à 500.000€ de dommages et intérêts au bénéfice de la > société plaignante "Bottin Cartographes" (et 15.000€ d'amende). Un > porte-parole de Google s'exprime en réaction pour dire qu' "un outil > cartographique de haute qualité, libre, et gratuit est bénéfique tant > pour les internautes que pour les propriétaires de site web". Le terme > "libre" a été aussitôt corrigé par Camille Gévaudan dans son billet > sur ecrans.fr (http://www.ecrans.fr/Google-Maps-condamne-en-France,13992.html) > et n'a pas raté - encore une fois - une occasion de citer > OpenStreetMap. Bravo et merci Camille. > > Pieren > > _______________________________________________ > Talk-fr mailing list > Talk-fr@openstreetmap.org > http://lists.openstreetmap.org/listinfo/talk-fr _______________________________________________ Talk-fr mailing list Talk-fr@openstreetmap.org http://lists.openstreetmap.org/listinfo/talk-fr