Milles excuses si ça ressemble à un troll. ça n'a évidemment rien de
surprenant. ça laisse des questions en suspend, entre autres sur le DPI :
Ce « Big Brother » dissimulé au cœur du renseignement

http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/04/11/ce-big-brother-dissimule-au-c-ur-du-renseignement_4614233_3224.html#TQ23A6UJMrRljPGp.99


 LE MONDE | 11.04.2015 à 09h52 | Par Jacques Follorou
<http://abonnes.lemonde.fr/journaliste/jacques-follorou/>

C’est un sigle impersonnel, « PNCD », mais il cache un secret sur lequel la
République a réussi, depuis 2007, à maintenir un silence absolu. Derrière
ces quatre lettres se dissimule la Plateforme nationale de cryptage et de
décryptement, un système complexe et occulte de recueil massif et de
stockage de données personnelles étrangères et françaises dans lequel les
services de renseignement français puisent à leur guise et sans aucun
contrôle autre que leur propre hiérarchie.

*Le Monde* avait révélé, en 2013, l’existence de ce dispositif et s’était
vu opposer par les autorités un démenti formel. Au terme de deux ans
d’enquête, il est désormais possible de décrire dans le détail
l’architecture interne de ce véritable « Big Brother » à la française
classé « secret-défense ». Les gouvernements successifs ont validé son
fonctionnement et soutenu son développement. Au nom de la raison d’Etat,
des parlementaires nient toujours son existence. Le mode de financement de
la PNCD est très discrètement dilué au cœur du budget de l’Etat et les
fonds alloués à ce programme n’ont cessé de croître.

Lire aussi : Le gouvernement veut légaliser certaines techniques du
renseignement français
<http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2015/03/17/le-renseignement-ne-sera-plus-hors-la-loi_4595030_3224.html>

La mutualisation de cet outil, présenté comme une pierre angulaire du monde
du renseignement en France, est jugée si essentielle par l’Etat à la bonne
marche des services français qu’elle est totalement absente du projet de
loi sur le renseignement présenté, lundi 13 avril, en séance publique à
l’Assemblée nationale, dans le but de donner un cadre légal à l’activité
des services. La PNCD semble avoir pris une place exorbitante au sein de
l’organisation du renseignement en France et couvre des champs juridiques
si différents qu’aucun cadre ne paraît, à lui seul, pouvoir le mettre en
conformité avec la loi.
Aucun filtre

La PNCD est hébergée, pour l’essentiel, dans les locaux du siège de la
Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), à Paris. Equipée des
plus puissants calculateurs de France, elle recueille des milliards de
données françaises et étrangères interceptées par la DGSE au moyen d’outils
satellitaires ou hertziens et surtout par le biais de câbles sous-marins
par lesquels transite, aujourd’hui, l’essentiel des communications
mondiales. Elle stocke une grande partie du flux intercepté et trie les
sujets au cœur de ses recherches.

Sur la base de protocoles bilatéraux, les autres services de renseignement
français ont organisé, à partir de 2007, leur accès à cette gigantesque
base de données. Il s’agit de Tracfin pour la lutte contre le blanchiment,
de la DNRED pour les douanes, de la DPSD pour la sécurité militaire, de la
DRM pour la branche satellitaire de l’armée, de la Direction du
renseignement de la préfecture de police de Paris et enfin de la Direction
générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Cette consultation se fait sans aucun filtre, ni ceux des ministères de
tutelle, ni celui de la Commission nationale de contrôle des interceptions
de sécurité (CNCIS), chargée de veiller à la légalité des interceptions
administratives. Pas plus que celui du Groupement interministériel de
contrôle, bras armé du premier ministre, tour de contrôle en matière de
renseignement. La consultation est tellement intégrée que la DGSI a
installé une quinzaine de ses agents dans les locaux de la DGSE pour gérer
ses propres recherches. Les douaniers de la DNRED ont également des
personnels à demeure.

Au regard de la circulation mondialisée des données de communication, le
flux intercepté et stocké par la PNCD comporte nécessairement des
identifiants français. L’Autorité de régulation de communications
électroniques et des postes a confirmé publiquement qu’il *« était délicat
de distinguer l’origine des communications »*. Une façon pudique de dire
qu’il est en réalité aujourd’hui *« techniquement impossible d’assurer
ce* *tri,
notamment* *dans le flux étranger-France* *»*, assure un membre de cabinet
ministériel.

C’est le cœur du casse-tête juridique. Comment protéger toutes les données
de communications des citoyens français à une époque où la circulation des
données personnelles s’affranchit de toute règle territoriale ? Comment
articuler un dispositif de recueil massif de données non soumis à la loi
française, la PNCD de la DGSE, avec les pratiques d’un monde du
renseignement national soumis à cette même loi ?

Lire aussi : Les critiques de la CNIL contre le projet de loi sur le
renseignement
<http://abonnes.lemonde.fr/pixels/article/2015/03/18/les-critiques-de-la-cnil-contre-le-projet-de-loi-sur-le-renseignement_4595839_4408996.html>

Faute de réponse, l’Etat laisse ce puissant système intrusif aux seules
mains des services, de quoi inquiéter au regard de la quantité de données
auxquelles peut accéder la PNCD. En effet, si elle a constitué sa propre
base de données de communications, elle est aussi reliée aux centres de
stockage de tous les opérateurs installés en France. Un agent de la
direction technique de la DGSE peut, de son ordinateur, faire remonter tous
les éléments attachés à la requête des services de renseignement français.
Or ces données de connexion, aussi appelées « métadonnées », sont bien plus
attentatoires à la vie privée qu’une interception téléphonique.
Entorse au régime légal

La DGSE, qui opère en théorie en dehors du territoire français, n’est pas
contrainte par les lois s’y appliquant. Mais elle est prise au piège, selon
certains de ses membres, à cause du partage de ses moyens techniques. Le
projet de loi sur le renseignement tente de combler les trous béants créés
par la PNCD au regard de la loi. Dans le chapitre 4 de l’article 3, qui
concerne la DGSE, le gouvernement entend légaliser la surveillance des
communications *« émises et reçues à l’étranger »*, ce qui revient, de
façon curieuse, à officialiser l’espionnage du reste du monde, y compris
nos alliés européens.

Le projet ajoute l’obligation de garantir aux identifiants français
recueillis lors de cette pêche au chalut les droits fixés par le
législateur en matière de traitement des données, tout cela sous le
contrôle de la CNCIS, devenue la Commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement.

Cette distinction entre données étrangères et françaises, on l’a vu, est
très difficile à garantir. De plus, si la CNCIS a été pleinement associée,
dès 2007, à la création de la PNCD, elle n’a, en revanche, aucune
connaissance des conditions de sa mutualisation. Par ailleurs, alors que
cette structure est chargée de veiller à la stricte application de la loi
en matière d’interceptions qui ne peuvent qu’être ciblées, la CNCIS
participe elle-même au système de recueil massif de données. Elle délivre à
la plupart des services de renseignement français des autorisations
d’interceptions à l’échelle d’un pays tout entier sous forme de
« fiches-pays » cartonnées qui permettent d’intercepter et de recueillir
massivement du contenu sans aucune discrimination.

Enfin, le projet de loi ne dit rien non plus sur une autre entorse majeure
au régime légal du traitement des données personnelles des citoyens
français. La DGSE échange, en effet, dans le cadre de trocs avec certains
alliés, ce qu’elle appelle des « blocs » de données. L’Agence nationale de
sécurité américaine (NSA), le plus puissant service de renseignement
technique au monde, et son homologue britannique, le GCHQ, s’adressent
ainsi régulièrement à la DGSE pour récupérer des « blocs » concernant des
régions du monde particulièrement surveillées par la France. La NSA demande
ainsi régulièrement plusieurs mois de flux de données de communications
venant du Sahel. Ce bloc contient de très nombreux identifiants français,
souvent non décryptés, livrés tels quels aux Américains.

Lire aussi : Les petites ruses pour amender la loi sur le renseignement
<http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2015/04/02/les-petites-ruses-pour-amender-la-loi-sur-le-renseignement_4608581_3224.html>

*Le Monde* n’a retrouvé qu’une mention officielle de la PNCD sous un
tableau comptable du budget de l’Etat en 2006. A cette époque, ce n’est pas
encore une « plateforme », mais un « programme ». Un an plus tard, le sigle
a disparu mais on apprend néanmoins que son financement, inscrit dans les
livres du ministère de la défense, bénéficie d’une contribution
interministérielle au nom de cette mutualisation. En 2015, le projet de loi
de finances soutient toujours le développement de la PNCD sans la
nommer : *« Conformément
aux orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de
2013 *(…)*, la DGSE poursuit sa montée en puissance de ses dispositifs au
bénéfice de l’ensemble de la communauté du renseignement »*.

Sollicités à plusieurs reprises, les services du premier ministre ont
refusé de répondre aux questions du *Monde*. Le caractère
« secret-défense » de la PNCD a enfin été opposé par les parlementaires et
les services de renseignement contactés.


http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/04/11/ce-big-brother-dissimule-au-c-ur-du-renseignement_4614233_3224.html#TQ23A6UJMrRljPGp.99



Mehdi Guiraud

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