Société 2.0 - La loi Hadopi, rebaptisée "Loi Création et Internet",
prévoit de mettre en place une Haute Autorité chargée d'avertir d'abord
et de sanctionner ensuite les internautes qui ne respecteraient pas les
droits d'auteur sur Internet. Selon un sondage réalisé récemment par
l'industrie, 74 % des Français seraient favorables à ce système de
riposte graduée plutôt qu'à la loi actuelle. Numerama liste 10 raisons
non exhaustives pour lesquelles il est impératif de rejeter la loi
Hadopi. Piratez-les sur votre blog, sur les forums et dans vos mails !
1. Elle ne vise pas les pirates !
La loi ne sanctionne pas le fait de télécharger ou de mettre à
disposition sans autorisation des oeuvres protégées par le droit
d'auteur. Elle crée en fait un nouveau délit, le "fait, pour la personne
titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne
(un accès à Internet, ndlr), de ne pas veiller, de manière répétée, à ce
que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de
reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de
communication au public d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit
d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires de
droits lorsqu'elle est requise". Or pour vérifier que l'abonné n'a pas
"veillé" à ce que son accès ne soit pas utilisé pour pirater, la Haute
Autorité ne pourra s'en remettre qu'à une seule présomption : le fait
que l'accès a été en fait utilisé pour pirater. Peu importe que ça soit
par l'abonné lui-même ou par ses enfants, son ex-compagne ou un voisin
de passage. La loi crée donc une responsabilité du fait d'autrui qui
serait une première dans le système juridique français. L'article 1384
du code civil prévoit bien la responsabilité du fait d'autrui, mais
uniquement dans des cas où le tiers coupable est jugé incapable (les
mineurs par exemple), ou est placé dans une situation de subordination
par rapport à son responsable.
2. Elle crée une présomption irréfragable de culpabilité
La loi impose aux abonnés à Internet de protéger leur accès à Internet,
par exemple en utilisant les moyens de filtrage proposés par leurs FAI,
et dont la liste sera communiquée par la Haute Autorité. Mais comment un
abonné qui a mis ces moyens de filtrage en place pourra-t-il prouver sa
bonne foi s'il est accusé du contraire ? Comment prouver qu'à une heure
donnée, un jour donné, le mécanisme de filtrage était bien activé sur
l'ordinateur de l'accusé ? Ca n'est plus la présomption d'innocence qui
préside, mais une présomption de culpabilité qui ne pourra en aucun cas
être renversée. La loi Hadopi bafoue les droits de la défense en
feignant d'ignorer que ces droits, dans les faits, ne pourront jamais
être exercés.
3. Elle est déjà obsolète.
Puisqu'il n'est techniquement possible que de trouver l'adresse IP de
ceux qui partagent les oeuvres et non de ceux qui les téléchargent
depuis des serveurs distants, le projet de loi Hadopi ne vise de fait
que le P2P dans son dispositif. Or aujourd'hui le piratage se produit au
moins autant sur les serveurs de newsgroups et les sites de
téléchargements et de stockage comme RapidShare, dont les utilisateurs
sont mis à l'abri de toute procédure. De plus, les nouvelles générations
de réseaux P2P sont conçues de façon à masquer l'adresse IP des
utilisateurs qui partagent des fichiers, ou à ne pas pouvoir associer de
façon certaine une adresse IP à un contenu partagé. Sachant qu'il est
toujours politiquement beaucoup plus facile de créer une Autorité
administrative que d'en démanteler une, est-il utile d'aggraver la
charge publique par une énième Haute Autorité qui sera très rapidement
incapable de travailler, ou de façon tellement anecdotique que son
efficacité sera nulle ?
4. Elle interdit même le P2P légal.
Il n'existe et ne peut exister aucune base de données des oeuvres
protégées par les droits d'auteurs. Donc le père de famille qui veut
sécuriser son accès à Internet conformément aux obligations disposées
par la loi Hadopi devra bloquer l'ensemble du P2P sur sa ligne, car
aucun filtre ne pourra bloquer uniquement les téléchargements et uploads
d'oeuvres protégées. De fait, c'est donc l'ensemble du P2P légal qui est
mis au banc par le projet de loi. Il y a fort à parier qu'en plus, les
FAI qui devront communiquer une liste d'outils de filtrages "efficaces"
proposeront des outils qui bloquent automatiquement tous les logiciels
d'échange comme eMule, BitTorrent et consorts.
5. Elle nécessite un fichage contraire à la jurisprudence de la CNIL
Pour mettre en oeuvre la riposte graduée, la Haute Autorité devra
connaître l'historique des éventuels messages d'avertissement envoyés
auparavant aux abonnés. Elle doit donc conserver les données
d'infraction pendant une période longue. Si l'abonné est sanctionné par
la suspension de son abonnement à Internet, son nom doit être inscrit
pendant un an dans un registre communiqué aux fournisseurs d'accès à
Internet, qui ont l'obligation de le consulter avant toute ouverture
d'accès. Si le nom du client y figure, l'abonné ne peut pas s'inscrire.
Or par le passé, la CNIL n'a autorisé ce type de fichage qu'à la
condition expresse que le nom de la personne soit retiré dès lors que le
dommage qu'il a causé est réparé (un remboursement d'impayé pour être
retiré du fichage de la Banque de France, par exemple). Or ici, le
fichage reste actif pendant un an, sans que l'abonné n'ait la
possibilité de mettre fin au dommage qu'il a causé par sa négligence.
On notera aussi que la conservation des données qu'implique la mise en
oeuvre de la riposte graduée est équivalente à celle imposée aux FAI
pour les besoins de la lutte contre le terrorisme. De quoi se poser des
questions sur la proportionnalité du mécanisme au but poursuivi.
6. Elle crée une justice à deux vitesses, selon que vous serez puissant
ou misérable.
La Haute Autorité chargée de mettre en oeuvre la riposte graduée
avertira et sanctionnera les internautes qui ont partagé illégalement
des oeuvres protégées par le droit d'auteur. Mais quelles oeuvres ? Elle
n'agira que sur la base de relevés effectués par les ayant droits
eux-mêmes, c'est-à-dire par ceux qui ont la puissance financière pour
effectuer un contrôle et un relevé des adresses IP sur Internet pour
protéger leurs oeuvres. En clair, les majors du disque et du cinéma. Les
petits labels ou les artistes indépendants seront de fait exclu du
mécanisme de défense de leurs droits prévu par la loi Hadopi, quand bien
même leurs oeuvres seraient piratées massivement.
7. Elle encourage la politique de l'autruche.
Il suffit de regarder le contenu des accords de l'Elysée pour voir que
les industries culturelles estiment qu'elles n'ont pas à améliorer
l'attractivité de leurs offres légales tant que la riposte graduée
prévue par la loi Hadopi n'est pas effective. C'est-à-dire, au mieux,
pas avant le premier trimestre 2009. Et encore, en fait, bien après,
puisque l'accord prévoit un délai d'un an à compter de la mise en oeuvre
effective de la riposte graduée. Au moins si la loi Hadopi était
rejetée, les industries culturelles se décideraient peut-être enfin à se
donner un grand coup de pied dans le derrière pour proposer aux
consommateurs ce qu'ils attendent. C'est la base de tout commerce.
8. Elle a été jugée contraire aux droits de l'Homme par le Parlement
Européen
Comment, alors qu'elle sera présidente de l'Union Européenne, la France
peut-elle ignorer une sanction aussi lourde du Parlement européen ? Le
10 avril 2008, les eurodéputés ont voté une résolution qui "invite la
Commission et les États membres à éviter de prendre des mesures qui
entrent en contradiction avec les libertés civiques et les droits de
l'homme et avec les principes de proportionnalité, d'efficacité et de
dissuasion, telles que l'interruption de l'accès à l'Internet."
9. Elle ne sera pas plus efficace que la loi DADVSI votée il y a trois ans.
Nulle part au monde les tentatives de dissuasion et de répression n'ont
fait baisser le nombre de contenus piratés et surtout n'ont fait grimpé
le nombre de CD et DVD vendus. Dix ans après l'arrivée de Napster, il
est peut-être temps de changer enfin de stratégie.
10. Elle coûtera extrêmement cher à mettre en oeuvre pour l'Etat
Lors des Assises du numérique, le président de l'Autorité de Régulation
des Mesures Techniques et probable futur président de l'Hadopi s'est dit
prêt à mettre en place "un processus de traitement automatisé permettant
l’envoi de 10 000 messages d’avertissements par jour". 10.000 messages
par jours, ce sont 3,65 millions de messages par an. Pour les envoyer,
il faut connaître l'adresse IP de l'abonné, et demander l'adresse e-mail
correspondante au FAI. L'arrêté du 22 août 2006 pris en application de
l’article R. 213-1 du code de procédure pénale prévoit que
l'identification d’un abonné ADSL et de son fournisseur d’accès internet
donne lieu à une indemnité forfaitaire de 8,50 euro par IP. Soit un coût
global de 31 millions d'euros par an, auquel doivent s'ajouter les frais
postaux d'envois de lettres en recommandé exigées au minimum lors du
deuxième avertissement, les frais de relevés des infractions, les frais
de conservation des données, et les frais de fonctionnement
administratifs de la Haute Autorité.
Pour que l'Hadopi ne creuse pas le déficit budgétaire de l'Etat, elle
devra donc générer en retour au moins 31 millions d'euros de recettes
fiscales chaque année par l'augmentation supposée des ventes sur les
plateformes légales. Rapide calcul. Un MP3 vendu 0,99 euros sur Internet
rapporte à l'Etat 16 centimes d'euros de TVA. Pour aller à l'équilibre,
il faudrait que les Français achètent environ 194 millions de titres par
an en plus de ceux qu'ils achètent déjà - ce qui suppose au passage
qu'ils n'achètent pas sur iTunes, où la TVA bénéficie au Luxembourg. A
titre de comparaison, les ventes de musique sur Internet en France au
premier trimestre 2008 ont rapporté à l'industrie moins de 7 millions
d'euros HT. On veut bien croire en faisant un effort à une augmentation
des ventes consécutive à l'adoption de la loi Hadopi, mais à ce point ?
Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par
Guillaume Champeau pour Numerama.com
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